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L'angle du marmouset
31 janvier 2013

La Grande Illusion - Jean Renoir

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C’est l’un des titres les plus opaques de l’histoire du cinéma. Gosse, ne connaissant de ce film que sa réputation de chef d’œuvre, je n’arrivais pas à en imaginer le contenu. Tout film est une boîte noire qui suscite la curiosité, mais celui-ci l’a suscitée plus qu’aucun autre. Je ne savais pas alors que son intrigue se déroulait au cours de la première guerre mondiale. Je ne pouvais pas imaginer qu’un film avec une réputation pareille, avec un titre pareil, puisse être ancré dans un contexte historique et porté l’ancre (ou le boulet) d’une guerre, et donc du film de genre, ce par quoi j’imaginais la guerre.

C’est la première des illusions : ce n’est pas un film de guerre. Si le contexte historique rend le film moins vaporeux, moins abstrait peut-être que La Règle du Jeu, la première guerre mondiale est à peine ici un décor (nulle scène de combat), mais c’est la condition d’apparition d’un microcosme où les classes se mélangent – bourgeois et prolétaires, marchands et paysans, nobles officiers mondains. Puis le film les décantent une à une, l’émulsion ne prend pas : dans la prison forteresse, où même les geôliers ressentent l’isolement, les aristocrates s’apparient par-delà les nationalités.

Le film commence par une des chansons favorites du lieutenant caporal (Gabin) : La femme ayant l'air d'un garçon/Ne fut jamais très attrayante/ C'est le frou frou de son jupon/Qui la rend surtout excitante, qui est en même temps l’exposition d’un des thèmes récurrents du film : le travestissement, au sens le plus large (et donc comme modalité de l’illusion, y compris jusque dans son aspect le plus délibérément farcesque). Dans la première partie du film, chaque plan semble porter un sourire (le grand Renoir et sa bonhommie, par l’entremise d’un Carette jovial, nous met en relation directe avec la pantomime façon XIXème). La vie et l’humanité occupent tout le film qui offre une touchante histoire d’amour entre deux aristocrates en voie d’extinction. Ils se reconnaissent et s’aiment dans leur rareté et leur préciosité (Fresnay le capitaine français et Von Stroheim le commandant allemand, élégants et racés jusque dans la mort). L’autre histoire d’amour, entre Jean Gabin et Dita Parlo, est plus convenue, mais elle dépasse les sentiments nationalistes et donne au film son éclaircie – comme le regard clair de Gabin et le plan final dans la neige.

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